Marie - "Déjouer l'emprise pour retrouver ma lumière"
Je n'avais pas prévu de faire un jour mon propre portrait, et surtout pas aussi vite. Parfois, ce sont les évènements qui vous guident, ceux que je traverse actuellement ont fait naître l'envie en moi de vous les partager.
J'ai 29 ans. C'est peu mais ça représente déjà pas mal d'expériences de vie : faire des études, trouver un premier job, faire des rencontres amoureuses, choisir une ville où vivre, s'entourer d'amis, changer de job... J'ai été assez gâtée par la vie ces dernières d'années. Pourtant, j'ai aussi fait des expériences douloureuses. La dernière m'a ramenée vers qui je suis, elle a été aussi violente que salvatrice.
L'automne dernier, j'ai connu un bouleversement. Comme si ma vie qui semblait jusque là presque tracée avait complètement explosé, emportée par une tornade.
Les signes précurseurs ont sans doute existé. Je ne me les rappelle pas en détails, mon année avait été mouvementée entre l'achat d'un appartement, ma charge de travail écrasante et le soin apporté à ma mère tombée malade. J'ai pleuré souvent, très souvent, d'épuisement. Plus tard on m'a dit que je ne connaissais pas mes limites. Je les situais alors "juste avant de craquer", c'est dire que je n'en n'avais pas jusqu'à ce que je tombe. Et pour tomber, je suis tombée !
Après les vacances d'été, j'ai consulté un médecin qui m'a annoncé mon burn-out. Cette nouvelle n'a pas réellement été un choc, je l'avais senti venir. Mais la suite l'a été : mon ex-conjoint de l'époque m'a accompagnée à mon second rendez-vous médical, et c'est le moment qu'il a choisi, devant le médecin, pour m'annoncer sa décision de mettre fin à 8 ans de relation. Je me rappelle avoir eu du mal à y croire. Il était mon rempart, mon allié, il me lâchait au premier tournant.
Avec du recul, j'interprète dans son geste la volonté de se délester du poids de la culpabilité de ne pas me soutenir, en remettant cette responsabilité à autrui.
Bien sur j'ai lutté, argumenté, refusé de réaliser, puis dormi, arrêté de penser. Au bout de plusieurs jours, j'ai émergé. Pour être honnête je ne vais pas vous dire que c'était facile. Des montagnes de soutien, d'amitié, de bienveillance m'ont portée et tirée vers la vie. Je n'avais jamais senti avec autant de force l'amour de mes proches et aussi de personnes moins proches. Ils ont choisi de prendre sur eux la responsabilité de m'accompagner pour aller mieux.
Une meilleure amie, et ses mots rassurants : "je ne te lâcherai pas"
Une collègue, devenue ma soeur de coeur : "tu es une femme merveilleuse"
Un florilège d'amis, de parents, de cousins, de collègues soudés pour m'aider.
On dit que d'un malheur sortent les plus grands bonheurs. Je pensais que la beauté, les paillettes de ma vie allaient s'évaporer avec cette expérience, mais c'est l'inverse j'ai réalisé qu'elles sont en moi, c'est moi qui les crée.
Alors bon, on comprend que je vais mieux, mais que signifie le terme "d'emprise"dans cet article ?
Je l'ai réalisé plus tard, par les mots d'une thérapeute mais aussi d'un de mes amis qui l'avait perçu dès le départ. Il faut savoir que je suis une femme d'un naturel doux, romantique, rêveuse, un peu artiste. Mais ce n'est pas tout. Mon éducation et la société ont aussi joué un grand rôle dans ce que je pensais alors être ma personnalité. Quelle aubaine pour ce garçon (car ce n'est définitivement pas un homme ) qui a vu en moi la douce compagne prête à tout sacrifier pour son plaisir.
Lui : autoritaire, sûr-de-lui (en apparence seulement), attiré par l'argent et le pouvoir.
Moi : idéaliste, humaniste, peu sûre de moi, attirée par une vision très romantisée du couple.
Au fil de notre relation, son emprise sur moi s'est progressivement construite et installée. C'est ce qu'il y a de plus redoutable dans ce type de relation : l'autre ne vous montre pas dès le départ ses intentions. Peut être qu'il ne s'en rend même pas compte. L'évolution de la relation vers une domination latente est progressive de sorte que vous ne vous en apercevez pas.
Dans mon cas, ma relation a basculé lorsque nous avons acheté notre premier appartement.
De manière imperceptible, j'ai été davantage critiquée, mon rôle et mon investissement minorés.
Par exemple, mon beau-père s'adressant à mon ex-conjoint lui disait constamment ton appartement et non le nôtre même si je lui faisais la remarque. Un jour, une opportunité professionnelle d'expatriation à l'étranger s'est présentée. Amoureuse comme je l'étais j'ai soutenu mon ex-conjoint dans sa volonté de la saisir : j'étais prête à quitter mon travail pour le suivre dans un autre pays. Mais cela ne s'est pas concrétisé et a rendu mon ex-conjoint fou de rage.
Je crois que c'est vers ce moment que les choses ont vraiment basculé.
Je vous épargne les détails sur la suite : volonté de sa part d'acheter un second appartement plus grand par jalousie envers nos amis qui en avaient un plus grand, obligation de cacher à ma famille et nos amis ce nouvel achat, interdiction de me confier à ma meilleure amie ( jugée jalouse et dont il faut se méfier ).
Lorsque j'ai appris mon burn-out, j'ai mis mon épuisement sur le dos de mon travail et de ma situation d'aidante de ma mère. Je crois qu'il s'agissait de facteurs, mais ils cachaient un malaise plus grand. Le malaise d'une emprise qui commençait à avoir des conséquences sur mon corps, mon bien-être, et ma santé mentale.
Les maux du corps ont cette vertu de nous alerter sur ce que même notre conscience n'arrive pas à discerner.
L'été dernier, j'ai été atteinte de conjonctivites récurrentes et non expliquées. Les spécialistes que j'ai consulté n'arrivaient pas à les empêcher de s'aggraver, jusqu'à ce que ma vision soit menacée. Depuis, j'ai ouvert les yeux sur ma situation. Mes yeux ont cessé de dysfonctionner.
La fin de notre relation n'a pas signifié la fin de l'emprise pour autant.
Même après la séparation, mon ex-conjoint n'a cessé de faire pression sur moi pour me soutirer un maximum d'avantages matériels et financiers. Ma prise de conscience de l'emprise, entrainant ma résistance à ses revendications, a déclenché sa fureur. Il faut savoir qu'un manipulateur n'est jamais plus déchainé que lorsqu'il se sent en danger. Tentatives d'intimidation, menaces, intrusion à mon nouveau domicile sont des challenges qu'il me faut encore surmonter.
Mais il y a une évolution majeure : j'ai acquis du discernement et je suis bien entourée. Les tentatives de mon ex-conjoint pour me manipuler me semblent aujourd'hui dérisoires, presque ridicules. J'ai du mal à admettre que j'aies pu me laisser berner pendant autant d'années.
La culpabilité est une caractéristique commune des victimes d'emprise.
Après plusieurs mois de travail sur moi-même, je n'en ressens aucune.
Je me sens forte.
Je me sens libre !
Récemment, on m'a dit que j'ai une belle philosophie de vie. J'aime cette expression car pour moi elle reflète le côté non-linéaire de nos existences.
Une philosophie, c'est une manière de voir le monde et d'accueillir les évènements qui se présentent. Ce n'est pas un don que l'on reçoit à la naissance. Il faut vivre, affronter le danger, pour la construire.
Après tous ces évènement, je ressens beaucoup de gratitude car j'ai réussi à me retrouver, à trouver du sens dans mon existence. J'ai plus que jamais l'envie de prendre la vie à bras-le-corps.
La psychologie et l'écriture sont aujourd'hui mes moteurs. Sans l'expérience de cette période compliquée, je serais sans doute passée à côté de mes deux véritables passions.
Et le mieux dans cette histoire, c'est que jamais je ne laisserai plus une personne m'interdire de faire ce qui m'anime. Je vis pour moi.
Lorsque l'on a des relations saines, on s'épanouit de concert avec les autres.
On ne cherche pas à les maîtriser, à servir nos intérêts.
L'amour et l'amitié sont gratuits, ils n'exigent rien de l'autre.
Si vous souhaitez changer les choses autour de vous, commencez par générer ce changement en vous. Tout démarre de vous
